Culture d’entreprise : mythes et limites

Culture d’entreprise : mythes et limites 322 182 Boldandsharp

La « culture d’entreprise » désigne les valeurs et les usages partagés par une organisation. Valeurs et comportements sont censés pénétrer toutes les strates de l’entreprise et se perpétuer. Les notions importantes de la VRAIE culture évoquées dans notre précédent article «5 erreurs de management qui coûtent cher »  sont primordiales: partagée, implicite, pervasive et durable.

Soit. Certains mythes semblent cependant s’être installés dans notre inconscient collectif au point de devenir contre productifs, à commencer par le fameux adage « la culture mange la stratégie au petit déjeuner ». Alors démystifions.

La culture est le vecteur le plus solide de la performance d’entreprise:

C’est faux. Non, elle ne mange pas la stratégie au petit déjeuner. Pas plus qu’elle ne la façonne. Que vous embarquiez pour un voyage au long cours ou sur une formule 1 des mers du Sail GP, ce n’est pas la culture de l’équipage qui vous garantit d’aller plus vite à destination. Si vous n’avez pas la bonne stratégie, la bonne feuille de route, un bateau compétitif (structure et système), il y a peu de chance que vous coupiez la ligne en premier…ou coupiez la ligne tout court.

Cet adage suppose que n’importe qui peut définir une stratégie alors que créer une culture serait plus difficile. C’est faux. A moins de confondre stratégie et tactique ou de croire aux grands slogans incantatoires du management sur la culture, les valeurs et les hommes. Culture et stratégie se nourrissent mutuellement.

Pas de performance sans culture du résultat:

C‘est faux. Les cultures de l’ordre et de l’autorité, à l’opposé de la culture du résultat, sont davantage marquée par les processus et une certaine rigidité, l’aversion au risque, et la préservation du statu quo. Alors pas de résultat ? Et Huawei alors ?

Quid des cultures marquées par l’innovation et l’apprentissage comme Tesla? On ne peut pas dire que les résultats ne soient pas au rendez-vous. Mais ce n’est plus le résultat à tout prix qui compte. Il est une conséquence de l’association d’une vision, de valeur et de talents.

Pas de performance sans culture forte:

Rien ne le démontre. C’est la capacité à apprendre et à anticiper les changements qui sont corrélés à la performance en entreprise. On ne parle pas de cultures faibles mais de cultures qui admettent, comme la pensée Chinoise, qu’ « être sans idée est la seule voie pour rester ouvert à tous les possibles ». Et s’adapter aux situations changeantes.

C’est au contraire la culture qui s’alimente de la performance. Pas de performance – laquelle une fois encore dépend bien plus que de la culture – et les mentalités, la valeurs et usages censés former la culture partent en vrille.

Les acquisitions doivent être dictées par la compatibilité des cultures sous peine d’indigestion:

Ben voyons! Ceux qui ont vécu des acquisitions – de l’un ou l’autre côté de la barrière – ont tous assisté à des séminaires de bienvenue où l’accent est mis sur les hommes et aux discours incantatoires sur la culture…Pour découvrir quelques mois plus tard les clauses de sortie des dirigeants et la fuite des compétences vers d’autres horizons.

Zut! Ce n’est plus l’apport de nouvelles ressources et mentalités qui conditionnerait le résultat ? Soyons sérieux: si la culture des nouveaux entrants est en phase avec la stratégie, tant mieux Si l’acquisition permet de combler un vide technologique, de s’implanter dans une région du globe pour le bien des clients ou du cours de bourse, c’est bien aussi. Et tant pis si 1+1 n’égale pas 2…ou 11.

La vraie culture est partout:

En d’autres termes, sans pénétrer toutes les strates de l’organisation, elle a peu de chance d’être partagée et durable. Donc d’avoir un impact. Faux. Comment ? Je serais en train de remettre en cause l’une des caractéristiques sacrées de la culture mentionnée en introduction ? Oui et non. Aucune culture n’est pervasive au point d’inclure chaque entité de l’entreprise, a fortiori toutes les zones géographiques.

D’abord parce que les cultures régionales ne sont pas aussi malléables ou aussi perméables. Ensuite parce que l’entreprise est un organisme vivant composée de micro-cultures propres aux départements et aux équipes. Il peut y avoir des dénominateurs communs : adaptabilité, acceptation du changement et prise de risque par exemple. Ou bien des valeurs fortes. Mais valeurs et culture ne doivent pas être confondues sous peine de tomber dans le globalisme et l’identitarisme. Aïe !

La culture comme critère de recrutement ou le fameux “cultural fit”:

Puisque la théorie la plus communément admise – fausse – associe la puissance de la culture et l’excellence des performances, allez hop! Il faut que les nouveaux venus se fondent dans le moule et s’assimilent rapidement. Comme les juniors doivent marcher dans les pas de leurs aînés.

Vous voulez une statistique qui pique les yeux ? 65% de sociétés de la tech que nous avons interviewées ont rejeté un candidat en raison du “cultural fit”…qui s’avère : un “personal fit”. La moitié des sondés ne savent pas précisément définir la culture de leur entreprise ou admettent ne pas avoir validé une compétence fondamentale du candidat : l’adaptabilité. Admettons qu’en terme d’acceptation ou d’évaluation de l’impact potentiel des différences – vs. un clonage pseudo culturel – c’est plutôt limite.

 

La culture a bon dos et bon appétit. Mais elle ne mange sûrement pas la stratégie au petit déjeuner et ne suffit pas à prédire la performance d’une entreprise. Culture, vision, valeurs, objectifs, stratégies s’auto alimentent. C’est l’association de ces composantes qui dictent la performance.

La culture ne se décrète pas non plus par un leader charismatique. Elle se crée, se diagnostique et s’ajuste au regard des facteurs qui la nourrissent, les leviers les plus forts étant de loin les talents et la raison d’être de l’entreprise. Ce sont eux qui génèrent l’ensemble des croyances et des pratiques et créent un sentiment d’appartenance.

Difficile de démystifier la culture en un article. Nous avons tenté néanmoins de la remettre à sa place. Ses caractéristiques intrinsèques – partagée, pervasive, durable, implicite – restent valides. A condition que la culture soit comprise comme système d’actions et de valeurs plaçant les intérêts des acteurs de l’entreprise (consommateurs, salariés, actionnaires) et la flexibilité au centre de la stratégie, de la structure et des systèmes.

Pris dans le piège de la pseudo culture?

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